La scène disparut ; il était à nouveau seul, nulle part dans le Noir. Cela dura quelques instants ou bien quelques heures. Devant lui et au-dessus de lui apparut la lune. La lune, non pas comme vous la connaissez, une lune rouge sang qui s’écrasa comme un météore. Dans le cratère restait une alliance dans laquelle deux initiales étaient gravées : I et O séparées par un cœur. La bague était resplendissante : en or massif, fine, avec un rubis incrusté. La bague était resplendissante ; elle se brisa, coupée en deux net au niveau du cœur. Celui d’Octal aussi fut tranché. Il n’avait pas eu aussi mal depuis cinq ans, le jour où Isabeau, son épouse, avait succombé à une terrible maladie. Il s’était marié l’année précédente.
Une nouvelle fois, le décor se volatilisa pour une durée qu’Octal n’aurait su déterminée. Son cœur souffrait le martyre mais ce n’était pas fini : une nouvelle scène se dévoila.
Il était dans un cimetière, au centre d’un cimetière gigantesque. Il ne voyait ni le début ni la fin de ce funeste paysage. Des tombes, des pierres, des croix à perte de vue. Il s’approcha d’une tombe, d’une autre, encore d’une autre. Toutes les tombes étaient celles de ses amis tombés au combat. Certaines appartenaient à des ennemis. Il était le seul survivant des batailles atroces qui avaient emporté ces âmes. Octal n’en pouvait plus. Il voulait mourir. Tous ces souvenirs atroces lui déchiraient le corps, le cœur et l’esprit.
Soudain, il se réveilla. La lumière du jour l’éblouit. Il était sur la place où il avait rencontré le général Griffon ; il n’y avait plus personne. Peut-être avait-on cru qu’il était mort.
A présent, il souffrait beaucoup moins que tout à l’heure ; et il savait ce qu’il lui restait à faire…