Armistice avec l'Ordre Chaotique

La nuit tombait sur la capitale et le froid s'installa, contraignant les téméraires veilleurs à rejoindre la chaleur de leur foyer. C'était un crépuscule claire et dégagé ; il n'y avait ni vent ni humidité, juste une mosaïque d'astres célestes qui se réveillaient de leur torpeur et projetaient sur leur enfants terrestres une étreinte lumineuse et aimante.

La silhouette de la régente du royaume de Verestrie, la sombre Morticia Ventorwys, se dessinait aux portes de l'ambassade de l'Avallon Lumbë où elle allait rencontrer pour la première fois le dirigeant d'une guilde adverse. La jeune aspirante, malgré son rang, avait réussi à convaincre les Obscurs de la laisser se charger des négociations avec l'Ordre Chaotique. Cette guilde ennemie depuis déjà quelques mois venait de montrer des signes importants de faiblesse, et, sûrement soucieux de voir les royaumes qui la composent réduits en cendre par un ennemi dont ils avaient mal jugé la puissance, avait demander la cessation des combats.

Morticia avait très vite comprit les enjeux de cette paix, et était décidée à en tirer le maximum d'avantages. Ses talents de négociatrices étaient aiguisées par les nombreux pactes qu'elle avait signé avec des royaumes adverses au sien. La jeune adolescente d'à peine 15 ans, emprunte d'une maturité et d'une intelligence anormalement élevée pour son âge, était prête à montrer tous ses talents.

Accompagnée d'une dame de compagnie encapuchonnée dans une sombre tunique, et d'un golem de fer aux armes multiples et meurtrières, contrôlé par la puissante magie de l'adolescente trois fois plus petite que lui, la jeune reine entra dans l'ambassade. Les hallebardiers qui gardaient l'entrée avec ferveur et détermination la laissèrent passer avec une révérence polie et adaptée à son statut.

Le bureau central, richement décoré et ceinturé de deux fauteuils cabriolet en fer forgé, trônait dans une salle aux tons argentés et sombres, aux lueurs faiblardes émises par des chandeliers lourds du plus pur argent de la région.

La jeune demoiselle prît place derrière le bureau, masquant son visage dans l'obscurité, laissant seulement ses mains fines et délicates visibles pour témoigner de sa présence. Son escorte, enfin, prît place à ses côtés, elle bien en vue, veillant avec la plus grande attention à la sécurité et aux désirs de leur maîtresse.

La sombre diplomate attendait désormais son invité, le Seigneur Chaotique qui portait le nom de Sad.

Les hallebardiers qui gardaient l'entrée regardèrent d'un air inquiet le démon qui escortait le Seigneur Chaotique. Ils observèrent ensuite son blason, et baissèrent les armes pour le laisser entrer. Morticia sentît la présence du diplomate de circonstance et envoya d'un signe de tête sa dame de compagnie l'accueillir. D'un pas leste et gracile, la grande elfe armée d'un arc composite se rendît dans le salle centrale, apercevant le seigneur Sad tant attendu.

Elle fît une révérence polie, et l'invita à entrer dans la dernière salle.

Monseigneur, je vous prierais de bien vouloir me suivre, ma maîtresse vous attend.

Les deux personnages entrèrent dans la dernière salle fort charismatique. Sad ne distingua pas Morticia, fondue dans les ombres, mais son instinct lui indiqua qu'il n'était pas seul. Dans le coin gauche, un gros golem de fer l'observait d'un regard vide comme le néant. Ce fût une petite voix glaciale et autoritaire, mais néanmoins cordiale, qui le tira de son observation. C'était une voix qui n'était absolument pas celle d'une femme adulte. Était-ce une enfant ? Il aperçut dans les ténèbres, avec un peu plus d'attention, deux mains pâlichonnes qui reposaient sur le bureau, qui confirmèrent enfin ses soupçons quand à l'âge de son interlocutrice.

Seigneur Sad, veuillez prendre place je vous prie. Je m'appelle Morticia Ventorwys, et suis envoyée par la Cité Obscure pour discuter des modalités de cessation des combats, à votre demande.

Le siège devant lui se mît soudain à bougé par lui-même, d'une force douce, invitant le seigneur à s'asseoir...

L'attitude du seigneur chaotique n'étonna point la diplomate qui approcha une feuille de parchemin de son interlocuteur. Le temps que le démon l'ouvre, Morticia commenta la raison d'être de ce pacte qui allait lui être proposé. Elle sourît et dit d'une voix glaciale :

Je vous remet le pacte que la Cité Obscure à décider de vous proposer. C'est votre unique chance d'obtenir une paix relative pour que vos royaumes puissent se reconstruire et ne plus subir notre courroux.

Le seigneur pût lire le pacte d'encre noire jais, dont les déliés et la finesse de l'écriture devait être l'œuvre d'une femme. Morticia joignît ses mains, et attendit son appréciation. Les yeux du démon parcoururent les lignes suivantes :

Citation :

L'Ordre Chaotique s'engage à :

- Cesser les attaques contre les Avallons Lumbë. Seule des ripostes (sans triplages) sont tolérées. Si l'Avallon Lumbë est en guerre, nulle attaque des Chaotiques ne sera acceptée (article 1)
- Pour les dommages causés à la cité Obscure, dont les insultes envers ses membres, l'Ordre Chaotique devra verser 300k d'or, 300k de bois et 750k de vivres en dédommagement dans un délai de 7 jours (article 2)
- L'ordre Chaotique prônant des idéaux néfastes pour la stabilité du monde d'Aguératon et entrants en conflit avec l'Avallon Lumbë, nous ordonnons sa dissolution. Les membres de cette guilde sont autorisés néanmoins à se fédérer de nouveau à la seule condition que leurs buts n'entrent pas en contradiction avec ceux de la Cité Obscure (article 3)
- Ne pas dépasser les 100 000 erras de terre (article 4)
- Cesser toute menace, toute insulte, tout pacte avec une guilde ennemie des Avallons, ou avec toute guilde cherchant à nuire secrètement aux intérêts de la cité Obscure (article 5)
- Reconnaître et se soumettre à la Supériorité, la Puissance, et la Grandeur de l'Avallon Lumbë. Le chef des Chaotiques devra donc faire des excuses publiques en l'honneur de Dame Herpé à la cour du Doux, et avouer publiquement sa soumission et faire l'Ode de la puissance d'Avallon (article 6)

L'Avallon Lumbë s'engage à :

- Stopper les attaques abusives sur les membres de l'Ordre Chaotique. Des attaques éparses peuvent avoir lieu, mais sans raid, et n'engagent pas notre blason, ne concernant en conséquence que le régent du royaume attaquant (article 7)

En cas de non-respect de l'une des clauses énoncées dans ce pacte, celui-ci est frappé de nullité, ce qui signifie la reprise immédiate des combats. La rupture de ce contrat annule toute future négociation entre la pseudo-guilde et l'Avallon Lumbë, ce qui implique un arrêt des combats utopique qui n'aurai lieu que si l'anéantissement d'un des belligérant survient.

Signature de l'Avallon Lumbë :

Signature de l'Ordre Chaotique :

L'attitude du seigneur Chaotique n'étonna nullement la diplomate qui se leva avec un grand sourire narquois. Elle se mît à rire à gorge déployée, tout en regardant avec pitié Sad qui se tenait devant elle. Elle appréciait la présence de son chef de guerre, nouvelle pièce du jeu diplomatique qui venait d'entrer en jeu. D'une voix rieuse elle lui rétorqua :

Comme l'a dit à juste titre mon frère d'arme, vous n'avez pas le choix, et n'êtes pas en mesure de négocier. Vous avez peur de l'Avallon Lumbë' n'est-ce pas ? Vous tremblez devant une menace que vous avez si mal jugé. Vous êtes terrifié quand nos troupes attaquent votre imprudent royaume qui ose s'élever en hautes terres. Nous sommes là, tel une épée de damoclès.

Nos conditions sont explicitées dans ce pacte. Vous voulez la paix ? Vous pouvez l'avoir. Nous tiendrons parole si vous signez. Dans le cas contraire, c'est la guerre, sans pitié ni compromis. Vous pouvez avoir, avec quelques concessions, la paix. Si vous voulez la guerre, soit, vous aurez toutes nos conditions, en pire, et vous n'aurez jamais la paix.

Je répète une dernière fois mon offre : acceptez-vous ce pacte ?


Le regard de Morticia devînt glacé et inflexible. Les deux Avallons ne plaisantait pas. Le démon plierait par la diplomatie, ou par la force. Il était au pied d'un mur infranchissable et aussi solide que du diamant.

Comme il était prévisible. La diplomate tendit sa main et retira le document que le démon lui avait lancé au visage. Le bloc de glace de protection qui s'était interposé entre l'objet et sa créatrice fondît sur le sol comme neige au soleil, trempant le pacte si bêtement gâché.
Morticia n'avait pas bougé, toujours défigurée par un sourire sadique et remplit de moquerie.

Elle regarda SaYoLe du coin de l'œil et lui dit :

Que notre ami est susceptible. Bien, partons, si vous le voulez bien.

N'attendant même pas une réponse de son chef de guerre, la jeune enfant disparût dans un éclair de lumière rouge, accompagnée de son escorte.