Comment donner un sens à l'Histoire autrement qu'en tirant profit des expériences qu'elle nous enseigne ? En effet, si l'Histoire en soi n'énonce pas de principes transcendant, elle nous expose, plus ou moins objectivement, des faits dont il serait irresponsable de ne pas les prendre en compte.
Comment faire de ce monde un monde meilleur si nous ignorons les échecs du passé ?
Des leçons, le peuple aguératonnien en a tiré et cela se confirme par l'effervescence des milieux intellectuels, guerriers, marchands que nos contrées connaissent en ce moment. En effet, alors que les grands orateurs et écrivains abreuvent nos esprits d'idées et tirent Aguératon vers sa fin ultime, la guerre – heureusement également présente – est un moyen d'échange pour tous et accélère considérablement l'évolution de notre communauté. Il ne serait cependant point honnête d'oublier le rôle des marchands, ces experts du troc qui, chaque jour, permettent un marché fluide et des prix convenables.
Bref, notre monde semble être dans une période de prospérité peu connue jusqu'alors, et cela grâce aux multiples échecs connus dont il va sans dire que la Grande Catastrophe en est un élément majeur. Pour autant il semble que tout les échecs de hier ne soient pas, ou pas assez, pris en compte aujourd'hui. C'est ainsi que, dans le secret espoir de voir un jour Aguératon libéré du joug du seigneur Sayole, je reprends la plume.
Il fut un temps ou deux guildes prétendaient à l'élimination du Déchu Somteo, alors maître des Hautes Terres depuis des lunes, surplombant nos contrées de par sa position hégémonique. Moi même étant chef de l'une de ces deux guilde – l'Ordre des Joyeux Troubadours – avait élaboré avec l'autre partie – les Disciples d'Elandra – une offensive qui devait consacrer des efforts de plusieurs mois. J'avais alors décidé de faire confiance au seigneur Matis, dont le nom de son actuel descendant n'est plus à rappeler, et de financer la création du immense armée adaptée aux infrastructures de Matis. Et quelles infrastructures ! De toute l'histoire de notre société nul, hormis quelques mages noirs dont l'existence fut éphémère, n'a pu prétendre à pareil royaume, à pareilles richesses. Ébloui par tant de biens matériels, je ne fus pas capable de comprendre les avertissements d'Elandra, qui voyaient, et avec raison, en Matis de Sayole un puissant mage noir.
Matis était arrivé presque de nulle part, après la chute des Spectres, était entré dans la Troubadourie et nous avait tous manipulé, faisant par ses actes et ses paroles preuve, il est vrai, d'une loyauté sans faille à notre blason, si bien que nous fumes tous dupés. Comment, me diriez vous, n'avons pas vu venir la fourberie? Étions nous stupides ? C'est une possibilité que nous devons envisager. Une autre en est l'intelligence du dit seigneur, intelligence malveillante cachée sous des apparences de niais, un vocabulaire pauvre et des manières de brute.
Ne nous méprenons pas, je n'accuse en aucun cas ici l'Avallon Sayole d'être un mage noir, il semblerait que ces pouvoirs lui ait été enlevé après la Grande Catastrophe. D'ailleurs, l'objet de cet écrit n'est pas une accusation, mais une mise en garde.
C'est après un long ermitage que je reviens en mon royaume, et telle fut ma surprise de voir Sayole à des postes clés de notre administration, Sayole qui, il est bon de le rappeler, fit autrefois preuve d'une capacité à faire le mal rare. Peut-être l'homme a t-il radicalement changé ou peut-être est-il encore en croisade contre ces ennemis, profitant de la générosité de guildes qui voient en lui une source de pouvoir et de puissance.
Je, en ma faible qualité de vieillard aujourd'hui inconnu de la plupart, juge un combat contre cet homme comme sage et bon. Gloire à tout ceux qui prennent l'épée pour le progrès, pour la transparence, pour une société bonne et pure comme nous pouvons tout de même en avoir un aperçu en ce moment. Gloire à ceux qui font couler le sang pour un monde juste et libre et contre toutes les entraves que la réalisation d'un tel objectif se doit de rencontrer.
Nous, adeptes de la guerre juste et loyale, des arts stratégiques ou intellectuels, du commerce équitable et vertueux, nous gagnerons ce combat, car nous avons toujours gagné.
Tels étaient les mots ornant un parchemin beige, lui-même fraichement placardé sur le couloir menant à la cour de l'Hangrateur.