L'un des jardins de la capitale fut baptisé 'La Fontaine aux Anges". Zeas, fondateur et régent du royaume qui portait ce nom depuis la naissance de ce monde avait été touché par ce geste. Certes sa modestie connue de tous l'empêchait de se sentir supérieur au commun malgré le fait qu'il était le seul Seigneur d'Aguératon ainsi remercié de son vivant.
En fait, ce jardin rendait le royaume de la Fontaine aux Anges immortel et lui conférait une dimension unique : chaque Seigneur connaissait déjà le royaume régit par l'académicien mais ce lieu devenait synonyme de patrimoine mondial tant il comptait pour tous.
Ce jour-là, Zeas se présenta aux portes du jardin afin de découvrir l'hommage qui lui était fait. Il arriva finalement sur la place. Celle-ci majestueuse avait une prestance certaine mais elle n'avait pas le cachet que Zeas avait espéré.. elle semblait achevée de la veille, à peine marquée par quelques fiantes d'oiseaux-lyres. Dans quelques dizaines de lunes, le temps aurait fait son œuvre et aurait permis l'oxydation et l'abrasion nécessaire. Cette place deviendrait un élément incontournable de la capitale. Le temps était un architecte des plus talentueux et inattendus.
A quelques pas de là, Zeas découvrit le joyaux de ces jardins : sur un écrin de verdure, fleurs et autres arbres sculptés tels des œuvres d'art inestimables, se dressait la splendide Fontaine qui donnait son nom à ce lieu. Dressée au centre d'un parterre multicolore, la perle de la capitale comportait une structure massive en marbre qui représentait la robustesse et l'invincibilité des armées. Toutefois, le rendu de ces éléments étaient contrebalancés par des représentations d'anges et angelots qui conféraient au lieu une fragilité et une sensibilité des plus rares.
Zeas découvrit ce monument avec une nonchalance que l'on ne lui connaissait guère. Puis, subitement, lorsque le face à face intervint, il resta comme interloqué devant l'œuvre d'une dimension indescriptible. Autour de lui, on pouvait distinguer une population bigarrée qui profitait pleinement du lieu : des familles observaient les anges comme des représentations de leurs progénitures, mais aussi comme un lien avec des enfants perdus.. Pour beaucoup, l'endroit semblait devenir petit à petit un lieu de pèlerinage dont la visite devenait indispensable, emplacement où le bonheur familial des uns côtoyait le recueillement des autres.
La douceur des angelots contrastait avec la force imposante de la base du monument. Romantisme et force co-existait comme jamais ce qui semblait représenter une partie de la personnalité et de l'histoire de Zeas. L'intelligence des anges, la délicatesse et la fragilité du marbre soigneusement associée à la puissance et à la robustesse du monument offraient au lieu une complexité et une combinaison hors-commun, inoubliable, qui marquait chacun des visiteurs.
Zeas esquissa un sourire grave : sa personnalité avait comme été percée à jour, violée par les architectes du lieu. La Fontaine aux Anges semblait en effet refléter certains traits de caractères du régent du royaume du même nom avec un symbolisme simpliste, dépourvu de frivolités mais qui dessinait comme une caricature infantile, sans heurt ni détail de Zeas, dans un époque passée.
Ce monument constituait pour l'académicien un élément de ce qu'est l'art dans son expression la plus forte, lien entre le présent et le passé, histoire d'une civilisation, émotions et forces. Cette fontaine devenait un élément de reconnaissance de tout un peuple, patrimoine mais aussi héritage offert aux générations futures.
La Fontaine aux Anges devenait comme immortelle.. royaume d'un membre du nouveau conseil hastratial mais maintenant aussi, œuvre majeure d'un nouveau courant artistique que certains baptisèrent Zeaisme dans lequel l'individu est au cœur de tout, et se distinguant d'autres courants par un symbolisme important, associé à un style dépouillé au premier abord mais subtilement relevé de détails que l'on découvre avec le temps.