A nouveau, mes pérégrinations m'avaient menés loin de la capitale. La bas, sur ce rocher surplombant la mer. Bercé par le chant des étoiles et la mélopée nocturne de la vie. En contrebas, les vagues martelaient la falaise, comme défiant ce titan de pierre qui les dominait avec mépris et suffisance. Et il y avait moi... Simple être à l'apparence humaine. Perdu encore dans les méandres tortueux de son esprit. Loin des préoccupations de ce monde.
J'attendais, amoureux transis admirant sa belle naissant puis mourant au gré des jours et des mois. Seul, j'avais ordonné à mes gnômes de rentrer au royaume afin de le gérer. Pierre j'étais, pierre je resterais. Froid, dur, insensible, hypochryte. Comment aurais je pus émouvoir qui que ce soit par mes discours... mes orations... Ce simple mot réveillait en moi flammes et laves ardentes. Me consumant, me meurtrissant. Seul est abandonné sur ce rocher, mes larmes ne coulaient que pour ce désir implacable. Des hauts le coeurs me soulevaient alors. J'aurais du me maudire. Me maudire pour ce sentiment de pitié qui me tenaillait... Pourtant je me contentait de plonger. Dans cette mémoire qui ne m'appartenait pas. Dans ses souvenirs douloureux qui m'empoisonnaient depuis mon apparition.
De multiples lames lacérant lentement ma mains, laissant pénétrer le froid insidieux de la mort. De multiple brin d'herbe gelée perçant ma peau, brulant ma main d'un feu intense.
Les goutes de sang perlant sur le sol gelé. Et cette danse de lumière provenant du lointain. Faisant éclater les orbes pourpre en des gerbes de feu.
Rien que cet enfant qui pleurait, ignorant toute douleurs, maudissant à jamais la vie et ceux qui la prenaient.
D'un mouvement brusque, je balayais les images de la brume de mon esprit. Projetant des coulées de sang sur le roc auquel je m'étais adossé durant ma folie. Sans mot dire, j'observais ma main... Rouge de sang, gorgée de douleur. Peut être étais je moi aussi comme cette mer s'épuisant face aux rochers. Un pas, sans doute, oui. Un être ivre de puissance incapable de comprendre comment l'utiliser. Deux pas, à moins que je ne sois rien. Rien d'autre qu'un être héritier d'un empire que je ne connais et auquel je ne tiens pas.
La chute... Non. Je n'étais pas la mer. Elle qui s'obstinait jusqu'à creuser les falaises. Elle qui se déchainait quand les marins pensaient l'avoir enfin domptée...
Dans cette chute qui me semblait interminable, je tendis une mains à la compagne de mes nuits. Comme ceux avant moi, je ne pourrais mourir. Né d'un rocher sans âme par la volonté de cet être immonde qui se refusa à disparaitre. Ma vie durant je n'aurait de cesse de trouver le moyen de mettre terme à mon existence. Je fermai les yeux. Laissant mes bras être attiré vers le ciel tandis que mon visage était cinglé par les tumultes du vent.
Et enfin, l'explosion. Mes membres semblaient être arrachés, mon torse écrasé, mon visage décharné et mes yeux énucléés. Autour de moi, le chaos de l'élément liquide avait commencé. L'air tentant par tous les moyens de quitter ce corps aqueux. L'eau cherchant à m' aspirer dans les tréfonds de son être. Pourquoi lutter ? Lutter contre cette force intemporelle qui tentait en vain de réaliser mon voeu le plus cher. Une lutte inégale que je savais ne pas pouvoir gagner. Un voeux que je savais irréalisable... L'eau ne détruisait la pierre qu'avec le temps des siècles...
Le silence qui suivit n'étais que le requiem de mon voeu avorté avant d'être réalisé. Dénué de force, je me laissais porter par le courant de cette dame qui pleurait en silence son échec. Je me laissais porter, les yeux ouvert, admirant les étoiles et la lunes. Eux qui depuis si longtemps veillaient sur le monde et n'avaient toujours pas renoncé à leur existence. Sous moi, le sable semblait me pousser à vivre.
Ce fut à cet instant que je l'entendis. Cette mélodie qui me sortit de ma transe. Un violon hurlant de douleur à travers la crique. Comme cherchant un souffle d'air, je tournai la tête en tout sens. Le sons m'enveloppait, m'attirait. Je n'étais plus qu'un papillon fou cherchant a atteindre la lumière d'une flamme qui le brulerait assurément. Mais qu'importe, si mes ailes devaient tomber, je ne serait alors plus qu'un homme. un simple homme pouvant mourir.
Quand il me vit, la mélodie cessa. Il me tendis une mains. De la même façon que j'avais voulus attraper la lune. Sa capuche baissée et l'obscurité masquant les traits de son visage, il ne parla qu'une fois:
"Si tu désires tant parler. Si tu désires tant exister. Rejoins nous. Accompagnes nous. Au bout du chemins, peut être la rencontrera tu..." Pas un mot de plus. Je le sentais me scruter. Et même après qu'il eu commencer à marcher, je sentais sa présence.
Mais qu'importe, je le suivrais, quitte à me tromper. Tant que je pouvais y retourner. Y parler. Cela me satisfaisait.
Sam 2 Aoû - 20:52